Perdre un frère ou une soeur ( Michel Hubaut, franciscain)

PERDRE UN FRERE OU UNE SOEUR (Michel Hubaut, franciscain).

Il est difficile d’exprimer ce que l’on ressent à la mort d’un frère ou d’une sœur, car la situation de chacun est unique. Les liens noués avec lui (avec elle) dépendent beaucoup du milieu familial, de la différence d’âge, du vécu ensemble… Autre est le deuil d’un jumeau, autre le deuil dans une fratrie de deux ou de dix enfants…
Pour ma part, quand ma sœur s’est tuée en moto, à l’âge de 30 ans, j’étais l’aîné de deux autres frères et d’une sœur, et j’avais déjà quitté le “cocon” familial depuis de nombreuses années pour entrer chez les frères franciscains. Je ne voyais donc que très épisodiquement ma sœur Nicole, mariée depuis une dizaine d’années. Elle avait sa vie et j’avais la mienne.
Ceci dit la brutalité de son départ, comme toujours, a ébranlé toute la famille. Ce furent, naturellement, mes parents qui furent le plus affectés. Mes frères et ma deuxième sœur aussi. Avoir partagé le même berceau maternel, posséder un héritage biologique, une mémoire génétique commun, crée des liens très forts qui dépassent les liens physiologiques du sang. Et ce n’est pas la longueur du temps vécu ensemble qui est le plus important mais l’intensité et la complicité des sentiments partagés.
Mes deux frères, non-croyants, eurent une réaction inattendue : devant la dépouille de Nicole, ils me dirent spontanément que ce n’était pas pensable qu’elle ne soit plus que néant ! Leur rationalité de scientifiques était battue en brèche par les protestations de leur cœur ?
Ils acceptaient la mort comme faisant partie du mystérieux cycle de la vie, mais ils refusaient le non-sens d’une disparition totale de l’être aimé. Accepter la néantisation de l’être, c’est rendre “insignifiant” : l’amour d’un mère pour son enfant, l’amour du couple ou les liens de la fratrie. La mort secoue autant les certitudes du non-croyant que les convictions du croyant.

Devant l’énigme de la mort, chacun est invité à la modestie et à l’humilité. Chacun est invité à être un “questionneur”, un chercheur de sens. Élargir son horizon, comprendre le mystère de la vie c’est la grandeur et le tourment de l’homme.

Nous avons besoin de donner un sens à cet événement qui nous déstabilise. Après la mort de notre frère ou de notre sœur, nous nous sentons parfois un peu coupables de vivre encore. Pourquoi lui et pas moi ? Une question m’a hanté à ce moment là : et moi, qu’est-ce que je vais faire de ma vie ?

S’il y avait une réponse rationnelle et scientifiquement prouvée sur l’ Au-delà, cela se saurait, depuis le temps où l’homme s’interroge sur ce mystère ! Ni les croyants ni les non-croyants n’ont de réponses totalement fiables. Beaucoup, guidés par les intuitions de leur cœur, se contentent d’une vague espérance : que la vie continue “quelque part”, “autrement”, et que leur frère ou leur sœur soit heureux(se).

A cette occasion, j’ai davantage pris conscience combien ma foi chrétienne était, non pas une consolation, mais une lumière qui élargissait ma conception de l’homme, et donnait sens à l’aventure de cette petite planète-terre, perdue dans l’océan de milliards de galaxies. Au regard des millions d’années lumière de l’échelle cosmique, mourir à 30 ans ou à 100 ans ne fait pas une énorme différence…

La question est de savoir si, dans cette immense chaîne de la vie, chacun est un être éphémère et anonyme, genre “poulet d’élevage en batterie” ou un être unique destiné à une plénitude de vie qui dépasse son parcours terrestre.
Je suis incapable d’imaginer la nouvelle vie de ma sœur, mais je la crois vivante, transfigurée dans une dimension de l’univers qui m’échappe, le Christ appelé le “royaume de Dieu, et qu’il a inauguré le jour de Pâques, transfiguré par les Énergies de l’Esprit, créateur de l’univers visible et invisible. Je crois qu’il est devenu le Premier -né d’entre les morts le “Frère” d’une multitude de frères et sœurs.

Je crois donc que Nicole est vivante, car le “néant” est pour moi impensable, et surtout à cause ma foi au Christ venu nous libérer de la fatalité du mal et de la mort.
Et toi, ne fuis pas cette interrogation et ne te laisse enfermer dans un aucun a priori idéologique. Cherche. Creuse. Qu’est-ce qui c’est passé dans ta tête et dans ton cœur au moment de la mort de ton frère ou de ta sœur ? Quelle foi ou quelle croyance (Dieu, le Christ, l’Énergie cosmique, la réincarnation..) te libère de la désespérance du néant. ? Quel sens donnes-tu à ta vie après cet événement ?

Michel Hubaut, accompagnateur spirituel de Jonathan Pierres Vivantes.

“Je remercie vivement le Père Michel HUBAUT pour ce témoignage et cet apport, qui j’espère vous parle.
Notre association est non confessionnelle, elle accueille tout le monde dans les respect des croyances et des religions de chacun, elle a la particularité de proposer un accompagnent spirituel entre autre catholique étant donné qu’il y a beaucoup de parents demandeurs.

L’aspect spirituel est très peu abordé dans notre journal et dans nos activités frères et sœurs en général. Voilà, une occasion pour s’exprimer suites aux propos et aux questions de Michel HUBAUT, qui nous interpelle.”